Portrait de Barista #1 - Damien de Fondation Café

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Jeudi 23 octobre, 17h30, après une journée de torréfaction à la Brûlerie, je débarque à Fondation Café. Damien, avec qui j’ai rendez-vous pour ce premier portrait de barista, est derrière le « bar ». En salle, un jeune homme, casque autour du cou, travaille sur son PC tandis qu’à sa gauche une charmante demoiselle finit son café filtre en lisant un livre que je n’ai pu identifier (mais visiblement passionnant).
Damien me sert la paluche & d’un air amusé, me propose un jus d’orange « Parce que j’imagine que t’as déjà bu pas mal de café aujourd’hui ». Finalement, j’accepte une autre proposition, celle d’un aeropress. Bingo, je vais peut être dépoussiérer le mien après celui que Damien vient de me servir !

Les grilles du 14m2 de Fondation vont bientôt se baisser pour cette journée mais le flow de personnes ne s’arrête cependant pas.
On y croisera une demoiselle avec un tout ‘tit chien, plusieurs clients désirant un espresso en take away ou bien encore une discussion sur les recettes d’aeropress. Et moi observant cette valse entre Damien & Chris, encore pleins d’énergies, rangeant le coffee-shop et s’envoyant des paquets de 1KG de mélange « espresso 60/40 » entre l’étagère et le bar…

A la Brûlerie de Belleville, nous savons que si vous avez un si bon café chaque matin en allant au taf, après votre pause dej ou bien encore durant votre petite balade shopping, c’est parce qu’un barista vous l’a choisi & extrait avec amour et précision.
Mais connaissez-vous leur histoire ? Leur début ? Leurs autres passions ? Leurs anecdotes ?
Nous avions envie de les mettre en lumière et de leur poser quelques questions, autour d’un verre cette fois-ci, pour qu’ils se livrent un peu…
Damien, Barista chez Fondation Café, est notre premier portrait de cette série.


Damien m’avait proposé la veille d’aller papoter au « Marie Céleste ». N’ayant jamais pu tester le lieu, c’était parfait.
Sac sur le dos, il reprend son vélo estampillé AVENTON et allons en direction du bar. J’en profite pour commencer son portrait et apprends qu’il a également un jour « tout claqué pour faire du café » !
Nous continuons jusqu’à arriver devant le « Marie-Celeste », 2 places au bar nous sont réservées au nom de Caribou. Deux verres d’eau suivent puis deux bières…

Cela sonne le début de « l’interview » :

 

Fiche technique

  • Prenom : Damien
  • Coffee Shop : Fondation Café
  • Pays/Ville d’origine : Né en Allemagne
  • Age : 31
  • Méthode d'extraction préférée : le Filtre
  • Expression préférée : « Nicheteuh » (les initiés comprendront) ou « Skawat Cat Moufleur ».

 

L’arrivée en France d’une nouvelle culture du café ainsi que l’essor des coffee-shop a aujourd'hui fait évoluer les « garçons de café » en vrai Barista. Métier presque inconnu en France.
J’imagine que tu dois expliquer à tes clients cette nouvelle approche du café mais aussi ton métier ? 


Exact, au quotidien on sensibilise beaucoup les gens en général, que ça soit des parisiens du quartier, des français de passage, ou des touristes en voyage. Les français commencent à être très curieux de ce qui se passe autour du café. De ce renouveau ! Il y a eu un vrai changement en quelques années voire quelques mois avec nos cafés. Il y a encore peu, tu pouvais facilement entendre « Ton café il est pas bon, il est dégueulasse » sans que la personne cherche à en savoir plus sur l’origine ou bien simplement pourquoi ce café « goûte » différemment.
Aujourd’hui, ça évolue, ils sont contents de découvrir cet univers et s’y intéressent. À Fondation, on organise des rencontres le dimanche soir où pendant 2h, on va leur expliquer les différentes manières d’extractions du café, les bonnes techniques pour faire un bon filtre, ou bien encore leur expliquer le latte art. Ceci, non pas pour qu’ils deviennent Barista ou ouvrent leur café, mais pour qu’ils comprennent ce qu’est notre job. C’est top, car lorsqu’ils reviennent à Fondation, on en rediscute et prolonge la discussion. Ils vont même en parler autour d’eux sensibilisant ainsi leur entourage. Et pour le coup, c’est vraiment cool d’entendre des gens dire « Ah tu vois l’espresso il est bien extrait car la couleur est ainsi, etc… » alors que c’est la première fois que je les croise. En gros, j’ai 2 typologies : des gens qui connaissent le café, qui sont « éduqués », et puis des curieux qui découvrent que notre job n’est pas si simple en réalité. Parce que je ne te cache pas qu’au début, je pensais que c’était simple d’être barista, mais le jour où l’on te met derrière une machine et qu’on te dit de faire du café, je peux te dire que tu ne fais pas ton malin !

 

Comment placerais-tu la France sur la scène mondiale du café ?

En France, j’ai l’impression que nous sommes à la rencontre des différentes tendances mondiales (Filtre au Nord de l'Europe, Latte en Australie, Espresso,…), on essaie de se démarquer en s’axant pas mal sur l’espresso et le filtre. Le filtre est super important dans notre approche car il est méconnu des buveurs de café. Le filtre pour beaucoup, c’est le jus de chaussette. Autrement dit, ce café que tu bois le matin sans te poser de question juste parce que tu as besoin de démarrer ta journée. Notre rôle est d’essayer de leur faire changer d’avis dessus. Boire un café filtre, c’est comme déguster un bon vin ! A force d’en boire tu te fais « ‘tain ça un goût de cerise, de cassis ».

Tu as toujours ressenti ceci dans le café ?

Non, je l’admets aussi. Avant tout cela, pour moi, le café c’était quelque chose de fort qui avait le goût de cramé et j’ose le dire je me fournissais en super-marché comme tout le monde ! Ma mère étant finlandaise, j’ai cependant beaucoup bu de cafés filtres quand j’étais jeune et c’était pas trop mal. Mais par la suite, j'ai malheureusement bu du mauvais café industriel !

Mais finalement comment t’es arrivé dans ce milieu ?

C’est au travers de Thomas Lehoux. Je me souviens qu’il revenait de l'étranger et n’arrêtait pas de nous parler café ! Je t’avoue qu’il me gonflait limite avec ça (rire) ! Puis il a rapidement trouvé un taf à Paris dans un lieu dédié au café où on allait le voir tout le temps. Il nous apprenait ce qui était bon ou non avec son approche assez radicale, ce qui était assez drôle ! C’est pour ça qu’aujourd’hui, je dirais que Thomas c’est un peu le Jean-Pierre Coffe du Café ! Bref, on n’arrêtait pas de goûter des cafés différents, ce qui a fait notre culture au passage.
Puis il y a eu les Frog Fight. C’est à ce moment là qu’on s’est tous mis à boire du bon café ! Y’avait la Caféothèque au début, avec Lomi et Coutume également ! Puis on a commencé à en ramener de l’étranger, comme Square Miles par exemple ou Has Beans…
Bref, pour résumer, j’ai suivi Thomas dans le café puis j’ai connu David Flynn alors qu’il ne parlait pas encore français. Je me disais à l'époque que ce n’était pas un truc pour moi même si ça m’attirait beaucoup ! J’avais un boulot stable à l’ONU aux relations diplomatiques à ce moment là et n’avait pas envie de prendre des risques ! J’étais devant un ordinateur toute la journée sur une chaise de bureau !
Suite à tout cela, cette petite graine d’idée a germé petit à petit et en approchant mes 30 ans, je me suis dit que si je n’essayais pas, je ne le saurais pas ! J’ai sauté le pas ! Aujourd’hui sincèrement, je ne me vois pas faire autre chose !

Concrètement quel est ton parcours en tant que Barista ?
J’ai véritablement commencé chez Ten Belles où j'ai été formé par Chris et Thomas en travaillant les Week-End pendant 6 mois, tout en travaillant la semaine à l’ONU. C’était hard ! Après Ten Belles, j’ai poursuivi ensuite au Lockwood durant leur début à bosser avec Elie pour aujourd’hui être à Fondation Café où j’ai suivi Chris dans cette aventure qu’il avait commencé seul depuis 4 mois en travaillant 7j/7j. Je l’ai d'ailleurs retrouvé avec des énormes cernes, le teint livide et 10kg en moins (rire).

 

Peux-tu nous raconter ta première rencontre avec Chris, le fondateur de Fondation Café ?

La première fois que je l’ai vraiment rencontré, c’était lorsque que Thomas lui avait demandé de venir à Paris pour l’ouverture de Ten Belles. Ce jour là je me rappelle bien, il était arrivé dans cette espèce de break Volvo des années 60, une sorte de corbillard géant avec un vélo sur le toit, du grand n’importe quoi ! Pour klaxonner, tu devais faire toucher des fils. C’était Chris !
Il nous a ensuite rejoint sur le canal dans un restaurant Mexicain où je me rappelle lui avoir fait la bise comme si c’était déjà un pote. Depuis ce jour là il fait la bise à tout le monde ! « C’est trop bien en France, on peut faire la bise sans qu’on te foute une droite ! En Australie, tu fais ça, on te casse un bras ! » Juste après cela, il est parti chercher des clopes en nous affirmant qu’il connaissait Paris mais s’est royalement perdu ! On ne l’a plus revu de la journée !

J’ai l’impression que le monde du café à Paris est assez petit et tout le monde se connait, tu confirmes ?

 Il y a effectivement une scène du café et c’est top, mais je n’ai pas le sentiment d’y voir une forte communauté. Aujourd’hui, avec l’essor des coffee-shop, tout le monde s’est un peu éparpillé je trouve. Alors on se retrouve chez l’un ou chez l’autre. On est content de se voir mais on n’a malheureusement pas l’occasion d’avoir des nouvelles des uns des autres si souvent que ça !

On dit que la « culture du café » vient beaucoup des « autres pays », quel est ton lien avec « l’étranger » ?

Alors pour le coup, c’est un peu « chaotique ». Je suis né en Allemagne, d'une mère finlandaise et d'un père français. J’ai vécu un peu partout en France, aux Emirats, mais aussi 1 an en Argentine, 6 mois en Inde et 6 mois en Australie pour faire court.

Le café a ainsi toujours été présent durant ces moments ?

Tout à fait, le café a toujours été là en soit et surtout par ma mère qui doit être la femme qui boit le plus de café au monde. Genre 6 cafetières par jour sans problème pour dormir, ni d’énervement ! Le filtre a été mes premiers cafés comme je te disais.
D’ailleurs, j’ai commencé avec beaucoup de sucre, puis beaucoup de lait et après petit à petit, j’ai enlevé le sucre, puis le lait ! Et aujourd’hui, c’est simple, c’est juste impensable de mettre du sucre dans le café ou du lait ! Mais ça ne m’empêche pas de le servir aux clients !

Comme tout bon établissement, Fondation est surement le QG d’habitués ? 

Oui, j’ai pas mal de personnes du quartier qui viennent tous les matins. La plus part d’entre eux n’ont même plus besoin de commander, ils me disent bonjour et je leur tends leur boisson et ça c’est franchement agréable !

Être barista, c’est de perpétuelles rencontres. Quelle fut ta plus belle rencontre, ta plus belle histoire, ta plus belle anecdote dans ton coffee shop ?

(Rire) Pendant la Fashion Week, j’ai pu croiser un mec à 8h du matin avec une cape en cuir & un masque en cuir qui m'a demandé un cappuccino. Batman en gros ! Tu ne vois pas ça tous les jours je t’avoue.
Ou alors j’ai aussi eu des clients qui m’ont commandé des cappuccinos avec un coeur en « latte art » où j’ai pu entendre le mec dire à sa nana « Nan mais t’inquiète pas, ils utilisent un pochoir et une bombe de lait pour faire le dessin ! ».
T’as aussi des clients qui te demandent des recettes improbables que j’avoue ne pas connaitre, que tu goûtes ensuite et que tu es bien content de ne pas connaitre finalement tellement c’est immonde !
J’ai eu aussi un client qui m'a demandé un cappuccino avec 5 shots d’espresso… ou bien encore ce pigeon qui est rentré et qui m’a bien foutu le bordel dans le coffee-shop !
Mais je dirai surtout que la plus belle rencontre c'est Chris finalement !

Revenons un peu au café, en as-tu un préféré ? Une extraction préférée ?

J’aime beaucoup les cafés du Kenya ! Parce que j’aime beaucoup les cafés très légers et fruités. Avec des kenyans, tu te trompes rarement ! Après je t’avouerai que j’ai eu une très belle surprise avec le Costa Rica de Belleville, le Chayote ! J’ai été impressionné par son côté épicé ! Une belle claque ! Je le préférerais même au Jesus Moreno pour être honnête !
Je me rappelle aussi d’un café que m’avait ramené Thomas, qui avait un goût de Maté. C’est à ce moment là que j’ai compris que le café ça avait des goûts ! Bref, le fruit dans le café, j’adore !
Sinon je suis fan du filtre, simplement à la cafetière ou à la Chemex ! Ca te fait un café assez léger, pas trop costaud avec les cafés fruités, c’est top ! Puis un peu d’Aeropress quand tu voyages ! Sinon à titre perso, je ne suis pas très lait & latte art ! J’apprécie surtout le goût premier du café !

J’ai cru entendre que vous alliez avoir un stand au Pitchwork Music Festival, est-ce que tu peux nous en dire plus ? :-)
Exact ! Pour l’édition de Paris cette année, les organisateurs voulaient proposer un « coin café » à leurs festivaliers comme ils ont pu le faire à Chicago ou San Francisco par exemple !
On sera donc présent avec Fondation Café et les Cafés Belleville durant les 3 jours du festival ! Bref comme on aime tous la musique, c’était juste normal ! 

J’ai juste un mélange d’excitation et de trouille pour ces 3 jours, on ne sait pas du tout à quoi s'attendre, mais on va surtout prendre du plaisir à faire tout ça avec Chris & Max (de C.R.E.A.M.).
Bref, venez ! On vous servira un mélange créé pour l’occasion !

Il n’y a pas que le café dans la vie, pourrais-tu nous parler un peu de tes autres passions ?

Déjà j’ai envie de te dire que la passion pour le café, ça te laisse très peu de temps pour le reste ! Mais t’arrives tout de même à concilier d’autres passions. Du coup je te répondrai le vélo tout simplement. Et pour l’autre, c’est assez visible sur moi, c’est le tatouage ! Ce sont vraiment les deux choses que je fais à côté !
Pour le tatouage, je suis tatoué sur les jambes, les bras, les flancs… Pour un total de 17 tatouages !
Ah et puis j’en ai un que j’aime beaucoup aussi. Au moment où j’ai démissionné, j’ai fait ce tatouage. Une tasse de café sur l’intérieur de mon index ! 

Puis pour le reste, c’est passer du bon temps avec les copains, profiter d’être là tous ensemble ! C’est super important ça !

Des coups de gueules ?

Si on reste dans le café, arrêter de me demander « un café normal ». Que les gens arrêtent d’avoir la critique facile aussi. T’as beaucoup de personnes qui vont penser avoir raison, avec un jugement arrêté, sans se soucier de tout le travail qu’il y’a derrière ! J’ai été le premier à avoir ce type de raisonnement, à critiquer facilement. Mais dès que tu prends le temps de comprendre le travail que ça implique, tout le mal qu’une personne peut se donner pour le faire, tu relativises et critiques un peu moins !

***


21h, la fatigue et les 2 pintes se font sentir. Il est temps pour nous de payer nos verres et de laisser la place à ce couple qui attend depuis 15 min et qui ne saura probablement jamais qu’à cette place nous avons découvert le portrait de Damien !

Merci Damien pour nous avoir accordé un peu de ton temps pour ce premier portrait ! Good Luck pour la suite et bon Pitchfork !

.albin


 

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