Le Potato Defect : une maladie du caféier encore mal connue

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Son nom a de quoi faire sourire, voire éveiller les estomacs les plus gourmands. Hors le potato defect, aussi appelé « PTD » (potato taste defect) n’a rien à voir avec un bon gros plat de pommes de terre au four. Ce défaut, qu’on pourrait traduire en français par maladie de la pomme de terre, est en fait une maladie crainte par nombre de producteurs de café de la région des Grands Lacs d’Afrique Centrale, principalement le Rwanda et le Burundi, et moins fréquemment le Congo, l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya.

Comme son nom l’indique, les grains de café atteints du potato defect vont sentir une fois moulus...la pomme de terre fraichement épluchée. Aucun risque pour la santé, votre café aura « simplement » un sacré gout de patate. Facile à identifier nous direz-vous ? Et bien non, ce serait trop facile. Cette maladie mystérieuse aime se faire désirer : en effet, elle est presque indétectable lorsque les grains sont encore verts. En revanche, elle commence à se faire remarquer une fois les grains torréfiés, puis se révèle dans toute sa splendeur au goût comme à l’odeur une fois les grains moulus et infusés. Et là, vous l’aurez compris, il est déjà trop tard. Mais d’où vient donc cette maladie qui ne survient que dans certains pays ?

Origines de la maladie de la pomme de terre

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L'antestia.

Malgré sa localisation régionale, les différentes recherches sur le sujet ne se mettent pas d’accord sur les origines du potato defect. Selon certaines études, il s’agirait d’une interaction néfaste entre trois éléments : une punaise au nom cosmique, l’Antestia, une substance chimique naturellement produite par certaines plantes, la pyrazine, et de la moisissure. Ragoutant non ?

D’autres scientifiques mettent en avant une bactérie au nom de circonstance, la Coffeiphila : cette dernière trouverait un point d’entrée dans le grain de café par une rupture de la peau de la cerise, causée en général par le mode d’alimentation de l’Antestia (encore elle).

Quelle que soit sa réelle origine, le potato defect est très aléatoire et peut n’affecter que quelques grains sur un même caféier. Bonne nouvelle car ce n’est pas l’ensemble de la récolte qui est fichu. Cependant, la maladie est sournoise : il suffit d’un seul grain affecté pour modifier l’odeur et le goût de votre tasse de café. On comprend donc mieux la nécessité à trouver des solutions pour contrôler et prévenir au maximum ce fléau qui peut avoir de lourdes conséquences financières pour les pays producteurs concernés.

 Les conséquences du potato defect 

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Pour le consommateur, on l’aura compris, le risque est de se retrouver avec un café au goût de patate fraiche. De fait, certains torréfacteurs refusent d’acheter des cafés provenant de ces régions « à risque ». Susie Spindler, directrice exécutive de l'Alliance for Coffee Excellence, a déclaré à ce propos : «Le potato defect est l'un de ces défauts insidieux qui prive non seulement les torréfacteurs de cafés de grande qualité, mais également les agriculteurs de primes élevées. Et la façon dont cela finira par être traité va vraiment déterminer le sort des producteurs de café au Rwanda, au Burundi et au Congo”. En effet, la production de café fait vivre une large part des populations de ces pays, se détourner de ces marchés a donc des conséquences économiques directes pour les producteurs. Mais si le risque de rencontrer ce défaut existe, il se montre toutefois de plus en plus rare. En effet, lorsque nous avons commencé à travailler dans le café il y a de ça plus de 10 ans, le risque de rencontrer le défaut de pomme de terre était fréquent, on en trouvait grosso modo dans un sac sur quatre. Hors maintenant, cela est de plus en plus rare et à vrai dire cette année, nous n’y avons même pas été confrontés !

Et du coup chez Belleville, quelle est notre politique à ce sujet ? A vrai dire, nous pensons que se priver de ces délicieux cafés rwandais ou burundais serait un sacrifice plus grand encore que de chercher à se prémunir de ce risque. En effet, nous voulons soutenir les producteurs rwandais et burundais avec lesquels nous travaillons : ces derniers font partie des agriculteurs les plus défavorisés, cultivant du café dans deux des pays les plus pauvres d’Afrique. Pourtant, au cours de ces dix dernières années, ils ont travaillé d'arrache-pied pour améliorer la qualité et produisent maintenant de délicieux cafés qui méritent d’être connus. Le Burundi est même devenu le premier pays africain à organiser une Cup of Excellence (compétition reconnue dans le milieu du café de spécialité). Pour toutes ces raisons, ces agriculteurs méritent notre soutien et les cafés qu’ils produisent méritent l’attention de tous ceux qui aiment d’amour le célèbre breuvage noir.

Comment lutter contre le potato defect ?

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Epaphrus (à g.) du Long Miles Coffee Project formant un fermier

 On le sait, le risque zéro n’existe pas. Mais bien que la maladie sache se faire discrète, il existe quelques méthodes afin de limiter son apparition, tant au niveau du producteur que du torréfacteur. 

Du côté de la ferme 

Bien que les recherches scientifiques se poursuivent, certaines méthodes préventives semblent avoir montrer une certaine efficacité dans la tentative de réduction de la maladie. 

  • Le retrait de tous les fruits des arbres en fin de récolte, afin de ne rien laisser à manger aux insectes, décourageant ainsi leur prolifération.
  • La mise en place d’une lutte antiparasitaire ciblée pendant les récoltes via l’utilisation de pyrèthrum, un pesticide naturel dérivé de fleurs de chrysanthème séchées, dont l’action sera favorisée par un élagage soigné des caféiers.
  • L’application de protocoles de tri stricts dans les stations de lavage, où les agriculteurs sont formés pour rechercher les cerises qui ne sont pas complètement intactes et pour les séparer des autres avant la dépulpage. La flottation est également une méthode efficace pour éliminer les cerises endommagées.
  • L’utilisation de lumières noires dans les machines traditionnelles de tri des couleurs afin d’identifier et éliminer les grains suspects.


Un exemple de projet de lutte contre le potato defect est celui mis en place par le
Long Miles Coffee Project (LMCP) avec lequel nous travaillons pour les cafés du Burundi. LMCP a construit un programme d’accompagnement des producteurs composé notamment d’un groupe de 14 « coffee scouts » guidés par l’agronomiste du projet, Epaphrus dit « Epa ». Chaque scout a été formé et visite toutes les semaines une trentaine de fermes : l’objectif est de vaporiser le pesticide biologique Pyrèthrum sur les Antestia présentes sur les caféiers, récupérer les insectes paralysés et les faire analyser afin de faire avancer la recherche dans le domaine.

Et du côté du torréfacteur ? 

Comme on l’a dit plus haut, mieux vaut prendre le risque de rencontrer le Potato defect dans une seule tasse plutôt que de ne pas acheter de cafés rwandais ou burundais. Après tout, c’est un peu comme un vin qui serait bouchonné : on sait que cela peut arriver mais on ne va pas pour autant cesser d’acheter ce délicieux Gamay qui nous ravit les papilles 99% du temps. En tant que torréfacteur, nous pouvons donc : 

  • Multiplier les échantillons de cupping lorsqu’il s’agit des cafés de ces régions.
  • Accentuer le contrôle qualité pré et post torréfaction via notamment un second tri manuel, bien que cela demande du temps : à ce sujet, Tom de Sweet Maria Coffee (Oakland) donne quelques tips sur Youtube, notamment via l’utilisation d’ultraviolet.
  • Former nos équipes afin qu’elles soient en mesure d’identifier correctement un paquet qui serait atteint du Potato defect - accepter ainsi qu’il y ait une potentielle perte de matière première mais se dire qu’après tout, ce n’est pas un drame.
  • Communiquer encore et toujours auprès de nos clients, non seulement afin de les sensibiliser au problème mais surtout afin de mettre en avant l’histoire des producteurs du Rwanda et du Burundi. Les cafés de ces pays possèdent une grande richesse aromatique, c’est un fait. Mais en plus de cela, notre soutien leur est indispensable pour mettre en oeuvre les méthodes qui permettront de diminuer ce risque, voire peut-être un jour de l’éradiquer.

 

Vous en savez maintenant plus sur le Potato Taste Defect. Mais retenez surtout l’essentiel : ne vous privez pas d’un bon mug de café du Rwanda ou du Burundi. Et si jamais vous rencontrez un jour ce sacré monsieur patate, voyez simplement ça comme une nouvelle expérience pour votre palais et commandez un nouveau café :)

 

Crédit photo couverture : joebyschmo

Crédit photos article : Long Miles Coffee Project

 

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