Laurent de Black List
5h31, Gare de Montparnasse, assis sur un banc depuis 3min, je sens une présence derrière moi. Une voix s’élève. « Ne te retourne pas, je crois que nous sommes suivis ».
Thomas est bien là, arrivé en vélo, prêt pour aller rejoindre Laurent dans l’un des premiers véritables coffee-shop de Bordeaux : Black List.
RDV quelques heures plus tard à Bordeaux direction le 27 Place Pey Berland où Laurent, maître des lieux, nous accueille et attend avec Dimitri derrière le bar, pour le cupping qui va suivre.
Nous y sommes !
3 cafés sur la table et 10 personnes qui se massent pour découvrir les cafés !
« Oh ça goûte la bergamote et le thé noir ! » « Ah j’ai failli m’étouffer en slurpant » « Qui m’a piqué ma cuillère ? »
L’assemblée est réceptive !
Un 'dwich tout frais et quelques « ’spro » plus tard, nous nous retrouvons avec Laurent pour un #PortraitDeBarista Express sous le soleil bordelais !
Fiche technique
- Prénom : Laurent
- Établissement : Black List (The Place to Bean)
- Pays/Ville d’origine : France, le Périgord !
- Age : 33 ans
- Méthode d'extraction préférée : Espresso
- Expression préférée :« Ça roule » ou l’expression piquée à David « Une chier de … »
Salut Laurent ! & si tu commençais tout simplement par te présenter ? :-)
Je suis Laurent Pierre-Bordennet, j’ai 33 ans, ça fait maintenant près de 30 ans que j’habite à Bordeaux. J’ai tout d’abord commencé dans le vin après avoir suivi des études dans ce domaine. Pendant longtemps j’ai exercé le métier de Maître de Chai et cela pendant 8 ans pour ensuite aller du côté du monde de l’immobilier. C’est à la suite de ça que je me suis lancé dans le café !
Comment t’es venue l’idée d’ouvrir ton coffee-shop ?
J’avais comme idée de base d’ouvrir une cave à vin / épicerie fine à Bordeaux et pour se faire j’allais à Paris régulièrement pour voir un petit peu ce qui se faisait là-bas. C’est au travers de mon cousin habitant Paris et travaillant dans la restauration, que j’ai découvert Ten Belles et le monde du café en goûtant un espresso. Une petite révélation pour moi, un petit choc de dégustation ! Puis de fil en aiguille, j'ai laissé tomber la cave à vin pour me recentrer sur le café ! La seconde révélation, ce fut lors d’un cupping avec David, lors du début de la Brûlerie. Bref, ça a bien pris 2 ans et demi pour faire grandir le projet, trouver un local et se lancer ! Et en mars 2014, j’ai ouvert Black List qui, comme dirait mon père, ressemble à une "cantine japonaise scandinavo je-ne-sais-quoi » !
Comment fut le début de l’aventure de Black List ?
Le début c’est surtout fait sur le bouche à oreille, on s’est vite rendu compte qu’il y avait une vie de quartier autour du lieu, et cela même en étant sur une grosse artère de tram. Il y a beaucoup de familles mais aussi d’avocats aux alentours. Black List est devenu un lieu de rencontre pour ces parents d’élèves qui « posent » leurs enfants à l’école et qui généralement repartent aussitôt. Bref, du côté du café, il y a eu pas mal de pédagogie à faire. Finalement on faisait découvrir un "nouveau produit". Notamment du côté du filtre qui a tout de même mauvaise réputation et fait échos au fameux mauvais jus de chaussette !
T’as voulu donner une philosophie au lieu ?
On veut rester simple dans l’approche. On fait du frais, en allant au fond des choses ! Sans oublier l’accueil qui est primordial aussi. Il y a beaucoup de clients désormais que je tutoie. Des avocats ou magistrats qui sont devenus en quelques sortes les piliers de bar de Black List ! Ils côtoient une clientèle anglophone locale ou de passage qui a peut être, culturellement, une plus grande sensibilité au niveau du café. Bref, au final, bien que Bordeaux soit une grande ville, il y a un côté village très présent qui se retrouve indirectement dans la vie quotidienne de Black List.
Comment vois-tu la scène du café à Bordeaux ?
Ça va bouger, même si ça prendra un peu de temps. Les français et bordelais ont une culture gastronomique, un palais qui les font aller vers ce type de produits. Il faut certes avoir une curiosité au départ pour apprécier et s’ouvrir à cela, mais de plus en plus de personnes s’intéressent au « café de spécialité ».
Des anecdotes et des rencontres depuis l’ouverture ?
Ohhh, on a bien eu quelques clients qui ne comprenaient pas pourquoi le café goûtait ainsi… haha ! Avec le boulet de service, plus expert que les autres, qui t’explique ton métier et te donne des conseils de nettoyage sur ta machine (rire) ! Sinon côté rencontre, comme ça reste un lieu de vie, il y a beaucoup de passionnés qui sont aujourd’hui devenus des amis ! Aujourd’hui, nous faisons même des petits apéros le vendredi soir avec les habitués, avec le noyau dur de Black List ! L’occasion de switcher du café à la bière des brasseurs locaux.
Avant de parler du côté perso, quelle est ton extraction préférée ?
Je dirais surement l’espresso, que j’assimile à de l’horlogerie, qui est le plus intéressant et compliqué à mon sens. J’ai gardé la rigueur du Maître de Chai dans l’espresso avec le côté maniaque du métier ! Et puis clairement la Chemex pour l'extraction filtre, je ne suis pas fan du V60 ni de l’objet qu'est l’aeropress. Sinon à type perso, j’adore les cafés du Kenya qui offrent une belle attaque d’acidité ! Mais j’en conviens que ce n’est pas facile à faire apprécier à tous ! Du coup, je sais qu’en sortant un beau shot d’espresso brésilien t’es sûr de plaire au plus grand nombre ! C’est super important de faire attention à ce que toi tu aimes en tant que Geek du café et ce que tes clients aiment !
Laissons de côté le café et parlons un peu plus du reste…
La gastronomie est très importante pour moi, j’ai eu la chance en étant gamin de pouvoir « tester » pas mal de bons restos avec mes parents. J’ai toujours baigné dans une culture bouffe et vin à la maison, ce qui est vraiment primordial ! Puis le vin sans hésitation, avec une sensibilité supplémentaire pour les vins naturels, en biodynamie. Tiens, je citerai les vins de Jean Foillard dans le Beaujolais par exemple. Ou bien les vins de Philippe Gilbert ! En fait pour les vins, j’aime bien sortir de Bordeaux (rire), pour aller un peu plus vers La Loire avec des vins de soif, 100% fruits type mono-cépage ! Toujours en restant sur des bons vins en biodynamie qui demandent plus de travail pour arriver à un super résultat ! J’ai un peu laissé de côté les vins de garde !
Et à côté du vin ? :-)
Avec l’aventure Black List, j’ai beaucoup moins de temps (rire), mais sinon pas mal de BD et de cinéma que j’ai mis de côté maintenant !
J’en ai un qui va vite se réaliser, c’est celui d’être papa d’un petit garçon ! Donc c’est plutôt cool :-) Ça va être un gros choc ! (NB : à l'heure de la publication de ce portrait, Laurent est papa ! Félicitations ! :-) )
Sinon dans toutes ces aventures, est-ce que tu as eu des regrets ?
Il faut mieux vivre avec des remords qu'avec des regrets comme dirait Patrick Bruel sur la place des grands hommes (rire) !
Et pour finir, t’aurais un message à faire passer ?
J’aimerais ajouter une dimension éthique au café, à celui que nous servons ! Car outre la qualité intrinsèque de ce type de café, il y a des hommes et des femmes derrière chaque grain. À des milliers de kilomètres, ils sont à l’origine de ce que nous dégustons en tasse.I y a de nombreuses personnes impliquées pour que le petit café du matin soit parfait, de la plantation au coffee-shop. Je pense par exemple à Neptaly Bautista au fin fond du Honduras ! C’est super important de ne pas l’oublier !
2 boissons cola à bulles plus tard, nous filons en vitesse à l’espace Darwin pour retrouver Dimitri & Thomas posés sur les canapés en cuir du lieu.
Il est bientôt 18h, il est temps de chopper le tram, de reprendre le train à (semi) grande vitesse et de dire « À très vite Bordeaux » !
Retrouvez Laurent chez Black List du lundi au samedi au 27 Place Pey Berland à Bordeaux pour dire #JeBoisDuBelleville
PS : Dimitri & Laurent, un grand merci pour votre accueil et la découverte (trop courte ? ;-)) de Bordeaux.