La route de San Jacinto
Depuis le hublot de l’avion, on se rend compte de l’éloignement de cette région du Guatemala. L’avion vole bas et un tapis sans fin de vallées fluviales et de formations volcaniques s’étend en dessous. Il est difficile d’entendre, car l’intérieur de l’avion est à peine isolé et les vibrations des deux moteurs grondent à travers les sièges de bus scolaire en aluminium et faux cuir.
Ce vol de 45 minutes de la Ville Guatemala vers Huehuetenango est une nouveauté. Auparavant, pour s’y rendre, il fallait faire un trajet ardu en voiture qui pouvait prendre entre 6 et 12 heures, si les routes étaient praticables. Située à la frontière de l’État mexicain du Chiapas, Huehuetenango est l’une des régions les plus pauvres et les plus isolées du Guatemala.
La région est dominée par la chaîne de montagnes des Cuchumatanes, un massif aux proportions semblables à celles des Alpes qui traverse la région d’est en ouest. Malgré un climat et une topographie peu propices à l’agriculture, Huehuetenango est aussi l’une des plus grandes régions productrices de café du pays. Les communautés productrices de café sont isolées les unes des autres par des pics abrupts et des vallées. Contrairement à d’autres régions productrices de café au Guatemala, les exploitations sont presque entièrement des petites entreprises familiales.
Les pics de 3000 mètres des Cuchumatanes se profilent à travers la fenêtre du cockpit et l’avion s’incline et descend rapidement pour atterrir sur le petit aérodrome militaire de la ville de Huehuetenango. Byron Bonavente est debout sur le tarmac, attendant à côté de sa voiture pour nous emmener sur les routes sinueuses des Cuchumatanes pour visiter la famille Perez Sanchez et leur ferme San Jacinto.
À la rencontre de Rodolfo & Byron
Le camion grimpe lentement sur le chemin de terre parsemé de trous qui remonte la montagne. Les restes du goudron ont cédé il y a un kilomètre ou deux et la route est maintenant à peine aussi large qu’une voiture avec une descente abrupte vers la rivière. Byron rit et discute dans un espagnol rapide avec l’aisance de quelqu’un qui fait la navette tous les matins. La connaissance de ces routes est un héritage familial.
Rodolfo Bonavente, le père de Byron, a passé presque toutes les semaines des 32 dernières années à voyager dans ces montagnes pour visiter différentes communautés productrices de café. Jovial, avec ses cheveux gris, et le rire facile de son fils, Don Rodolfo était un jeune homme lorsqu’il a commencé à parcourir la région pour trouver des cafés conventionnels pour Unex, le géant exportateur de café.
Le café conventionnel, ou de qualité commerciale, est le genre de café vendu à bas prix que vous trouverez fréquemment au supermarché. L’objectif du café commercial est de trouver un café pas cher et qui soit parfaitement médiocre. Un tel café est une commodité pure dont les éléments cruciaux sont le prix et l’uniformité. Une fois récolté et vendu, ce café est fortement torréfié pour homogénéiser encore plus son goût (qui, à ce stade, est probablement proche de la noix brûlée). En tant que produit de commodité, il y a une grande tolérance pour les défauts de ces cafés, mais à Huehuetenango dans les années 1990, il était difficile de trouver des cafés qui répondaient même à cette norme.
À l’époque, le café récolté à Huehuetenango présentait de nombreux défauts. Si les variétés cultivées dans la région étaient généralement de bonne qualité, la cueillette et le lavage du café étaient mal gérés. Le lavage des cerises (l’élimination du fruit et du mucilage recouvrant le grain de café) dans la région était généralement pris en charge directement par les producteurs qui avaient peu d’argent à investir dans leurs installations. En conséquence, le café était souvent trop fermenté, ce qui lui donnait un goût pulpeux et vinaigré. Les cafés de Huehuetenango ont un profil de saveur généralement fruité, mais la sur-fermentation ruinait ce qui aurait pu être une tasse agréable. Selon Don Rodolfo, la réputation de Huehuetenango était si mauvaise à l’époque que des marchands de café peu scrupuleux “achetaient du café rejeté dans d’autres régions du Guatemala et le vendaient comme du café de Huehuetenango !”
«Il y a de bons cafés ici, des cafés exceptionnels ! Mais hélas lors du lavage, ils ont été gâchés...»
À l’époque, rien de tout cela ne préoccupait particulièrement Don Rodolfo, son travail consistant, après tout, à trouver des cafés médiocres à un prix attractif. Mais en voyageant entre les communautés, il ne pouvait s’empêcher de constater qu’il y avait des producteurs vivement intéressés à améliorer la qualité de leurs café. «Il y a de bons cafés ici, des cafés exceptionnels ! Mais hélas lors du lavage, ils ont été gâchés...»
La renaissance de Huehuetenango
Jacinto, Francisco et Rudy Perez Sanchez, trois frères qui exploitent de petites parcelles sur la colline surplombant la vallée de la rivière Selegua, ont été les premiers producteurs à travailler en collaboration avec Don Rodolfo. Ils ont appliqué avec diligence les changements suggérés et la qualité de leur café s’est rapidement améliorée. Les cafés qui avaient auparavant été trop fermentés et manquaient de complexité étaient maintenant gorgés de saveurs de mangue, de goyave et de chocolat. Plus surprenant encore, ils étaient d’une propreté exquise. Le café était unique et expressif de son terroir.
C’est là que Don Rodolfo a su qu’il avait un problème. Le café était devenu trop bon et trop unique. Ses patrons ne s’intéressaient pas à ce genre de café et n’étaient certainement pas prêts à payer le café plus cher que le prix du marché de commodité. Don Rodolfo a donc décidé d’essayer de trouver lui-même des acheteurs pour ces cafés.
Tout en continuant à faire son travail de sourcing de cafés conventionnels, Don Rodolfo a commencé à donner des échantillons à d’autres exportateurs, plus axés sur la qualité, dans l’espoir de trouver un acheteur pour les cafés les plus exceptionnels de la région. À la fin de chaque semaine, le coffre de sa voiture rempli à ras bord d’échantillons de café de San Jacinto et d’autres producteurs engagés, il faisait le long voyage de retour vers sa famille à Guatemala City.
La réputation de Huehuetenango commença également à changer lorsque les premiers torréfacteurs de café de spécialité commencèrent à travailler avec les exploitations de grande taille dans la région. Don Rodolfo était convaincu qu’il y avait une opportunité d’associer les torréfacteurs de café de spécialité avec les petits producteurs de Huehuetenango, mais il savait qu’il ne serait pas en mesure de réaliser cette vision, tout en travaillant à plein temps.
Après 15 ans de travail d’amélioration avec les producteurs, en plus de son travail avec Unex, “mon père ne pouvait plus porter le projet plus loin” dit Byron. “Alors il m’a demandé de l’aider.” Le timing était fortuit puisque Byron était à la recherche d’un projet dans le domaine du café. Mesurant la quantité de travail à fournir pour rendre le projet durable, Byron recruta sa femme pour gérer les aspects financiers et administratifs de l’opération et parti lui-même à Huehuetenango pour travailler avec les producteurs.
A présent, chaque semaine, vous pouvez trouver le père et le fils sur les routes sinueuses de Huehuetenango. Don Rodolfo continue de s’approvisionner en cafés conventionnels tandis que Byron se concentre exclusivement sur les cafés de spécialité uniques. Depuis que Byron a rejoint son père il y a 15 ans, les cafés provenant de cette région sont toujours exceptionnels et continuent de s’améliorer. De plus, Byron a trouvé des acheteurs pour ces cafés, dont Belleville.
Nous avons acheté du café de San Jacinto pour la première fois en 2014 et nous sommes reconnaissants de pouvoir acheter ce café année après année. Sans le travail et l’enthousiasme de Byron et de son père, cela ne serait tout simplement pas possible. Si la chaîne d’approvisionnement du café s’étend sur plusieurs continents, elle est animée par des relations entre des individus passionnés.
San Jacinto
La famille Perez Sanchez récolte le café à la main lors de deux cueillettes annuelles au cours des mois de mars et d’avril. Il s’agit d’une récolte assez tardive pour le Guatemala, en raison de l’emplacement de la propriété, en haut de la montagne, qui ralentit le processus de croissance et de maturation. Le café est traité avec un petit moulin sur la propriété, puis fermenté pendant la nuit dans des cuves en céramique. Il est ensuite lavé et séché sur des patios disséminés dans la propriété. Les soirées fraîches prolongent le processus de séchage, ce qui contribue également au profil de saveur unique de ce café. Débordant de saveurs de fruits tropicaux et de notes de chocolat noir, ce café témoigne du travail acharné de la famille Perez Sanchez.
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