Portrait de Barista #3 - Mihaela de Ten Belles

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Jeudi 15 janvier au soir, Ged & Will terminent les finitions de notre nouvelle vitrine pour filer ensuite Gare du Nord direction Londres. Tandis qu'ici, c’est plutôt direction Ten Belles pour ce 3ème Portrait de Barista.

Cette fois-ci, nous allons conjuguer Barista au féminin avec Mihaela.

Il est 18h30, au 10 rue de la Grange aux Belles. La musique classique s’enivre au rythme des gestes de Mihaela & Sera qui remettent à neuf le coffee shop après une journée intensive et préparent le shift du lendemain matin.

Diego, le grinder, trône à côté du bar pendant que Georgia, La Marzocco, m’observe en m’indiquant sa température. J’en profite pour régler le réflex sur f/1.4 et prends quelques photos de cet instant de calme.

19h30, le choix le plus dur restera de trouver le lieu pour le portrait de Mihaela. Après réflexion, elle choisira Le Rubis, suite aux recommandations de David dans Sprudge avec « A Coffee Day in Paris » par Victor Frankowski.

Nous arrivons 30 min plus tard dans un bistrot où le temps s’est figé à l’époque des bars en zinc de nos grands parents.

Parfait moment pour commencer le Portrait de Mihaela en pleine préparation pour le Championnat de France de Barista.

Fiche technique

  • Prénom : Mihaela (à prononcer « Mi-ha-hé-la »)
  • Coffee Shop : Ten Belles
  • Pays/Ville d’origine : Roumanie / Bucarest
  • Age : 24 ans
  • Méthode d'extraction préférée : Espresso
  • Expression préférée : "if the stars align properly…"


Mihaela, commençons par le commencement, peux-tu te présenter brièvement ?

Je suis Mihaela et je viens de Roumanie, cela fait 2 ans que je suis en France et je travaille chez Ten Belles depuis avril 2014. Après quelques mois à faire le service, je suis passée derrière la machine depuis juillet dernier !

Comment es-tu donc arrivée dans le monde du café ?

(rire) Par hasard ! En réalité, j’ai détesté le café pendant 23 ans. Un jour, pour aller de l’avant, j’ai cependant bu à Bucarest un Flat White avec un café du Brésil. Et il goûtait vraiment pas mal ! Totalement différent des cafés que j’avais pu boire avant ! Bref, entre temps je suis venue à Paris pour mes études et suis tombée totalement par hasard sur KB Coffee Shop non loin de Pigalle. J’ai tout d’abord commencé à fréquenter ce lieu pour l’internet en buvant des cafés. Puis ce rituel m’a donné envie d’en savoir plus et de surtout vouloir travailler dans le milieu, plutôt du côté « Coffee Shop » que « café ». Suite à cela, de retour en Roumanie pour les vacances de Noël, j’en ai profité pour lire énormément sur le café, aller dans les coffee shop de Bucarest. Bref après tout cela j’étais vraiment décidée à travailler là dedans tout en commençant à aimer le café pour ce qu’il est ! Revenue en France, j’allais dans les coffee shop qui servaient le même café pour voir les différences entre les recettes utilisées.
Après tout cela, j’ai appris que Belleville Brûlerie faisait des cupping. J’y suis allée un 22 février et c’est à ce moment là que je suis totalement tombée amoureuse du café avec cette première tasse qui m’a rappelée mon enfance ! J’étais à deux doigts de pleurer pour tout te dire, mais il y avait trop de monde que je ne connaissais pas autour de moi (rire).

C’est ce cupping qui a tout déclenché ?

Ça m’a conforté dans la certitude de vouloir travailler dans le monde du café ! Avant cela, je ne savais pas si voulais quitter ce que je voulais faire avant. Je pense aussi que le fait de ne rien y connaitre avant m’a donné une claque et poussé à aller dans cette direction. Je restais tout de même dans le sentiment de « Quoi faire de ma vie ? ».
Quelques jours après ce cupping, j’ai dit à Thomas que j’étais vraiment intéressée par ce milieu. Il n’a d’abord pas compris ce que je voulais dire en me répondant que si je voulais du bon café, je pouvais utiliser ça à la maison etc… Je l’ai repris en lui explicitant que non, je voulais vraiment me lancer dans le café ! 

Il a du coup compris que ce n’était pas juste pour un hobby?

Oui et il m’a invité à lui envoyer un CV avec quelques mots sur moi. J’ai surtout précisé que j’avais zéro expérience dans ce monde, et que j’étais prête à travailler gratuitement pour commencer ! Mais apparemment c’est illégal en France (rire) alors qu’entre toi et moi, c’est plus facile en Europe de l’Est (fou rire) ! Bref, 10 jours plus tard, il m’a renvoyé un email pour me proposer un entretien chez Ten Belles. Je ne m’y attendais vraiment pas, surtout avec zéro expérience. Ce n’est que 2 semaines après mon entretien qu’il m’a proposé un jour d’essai qui s’est soldé en réalité par 2 semaines d’essai. Je crois qu’il hésitait tout de même (rire). Après ces deux semaines, je commençais vraiment à m’attacher au lieu et à l’équipe, ça devenait intenable. Heureusement, j’ai eu le job !

Si je comprends bien c’est un choix que tu ne regrettes pas aujourd’hui, mais t’étais « destinée » à quel avenir avant cela ?

Avant tout ça, j'ai fait pendant 15 ans de la musique et de la guitare que je pratique toujours bien sûr. Je donnais d’ailleurs encore des cours de musique il y a peu, mais aujourd’hui, j’ai démissionné de mon job de prof de musique pour me consacrer au café.

Tu étais venue en France pour la musique si je résume bien ?

Oui, je suis venu pour ma carrière de guitariste classique en venant particulièrement pour un prof de musique qui fait parti des meilleurs au monde, Judicaël Perroy et qui m’a gardé comme élève malgré le fait que je ne venais plus vraiment à ses cours. Et aujourd’hui, il vient tous les dimanches avec sa copine boire le café avec moi chez Ten Belles, ce qui me touche à chaque fois ! Je deviens à mon tour prof en lui apprenant pas mal de choses sur le café désormais (rire).

Tes parents sont au courant de ta « reconversion » ?

Non… Dans mon pays, il n’y a que ma meilleure amie et ma soeur qui sont au courant de toute l’histoire. Mais mes parents ne sont au courant de rien. Et je pense que ça serait difficile de leur expliquer tout ceci d’autant plus que j’ai toujours détesté le café avant cela. J’ai peur qu’ils ne comprennent pas mon choix alors que j’étais venue en France pour vivre de la musique.


Aujourd’hui, tu as décidé de faire le Championnat de France de Barista, tu peux nous en dire un peu plus ?

Tout a commencé le jour où un participant au championnat de barista est venu à Ten Belles pour prendre un café. Il me regardait travailler avec insistance. Du moins, on pouvait voir qu’il savait ce que je faisais. J’ai ainsi entamé la conversation avec lui en lui demandant ce qu’un championnat pouvait m’apporter. J’ai l’habitude des championnats de musique mais de café...
Sa réponse était claire, on apprend énormément en le faisant… Bref, je lui ai raconté mon histoire, il est parti boire son café puis est revenu avec sa carte de visite. Selon lui, je devais faire le Championnat car, en gros, j’avais une histoire atypique et étais plus que motivée.
J’en ai alors parlé à David & Thomas de Belleville pour savoir s’il étaient intéressés pour m’aider et me coacher dans cette aventure. Et de là, tout a véritablement commencé ! Je ne te cache pas que c’est aussi à ce moment là que j’ai compris ce qu’était de faire un Championnat de Barista et ce que ça impliquait !


Tu as une meilleure visibilité sur quoi t’attendre le 25 janvier prochain maintenant ?

Oui, j’ai regardé énormément de vidéos de championnat avant de commencer et je fais de plus en plus attention à chaque détail en couplant tout ceci avec les sessions d'entraînement. Je les regarde encore et encore pour mieux me préparer au jour J.
J’ai eu d’ailleurs, plusieurs phases depuis début décembre concernant le championnat: "Vais-je y arriver ?" "Ai-je envie de le faire ?"; pour aujourd’hui être sûre et certaine de mon engagement dans cette aventure, tout en restant humble dans ma démarche.
Ce que j’ai pu comprendre aussi à travers les training, les rencontres, les vidéos,… c’est que tout ceci est une histoire de respect. De respect vis à vis du café, des gens qui ont pu le toucher à chaque instant de leur vie et du client final. Venir faire le championnat avec comme seule motivation celle de gagner n’a pour moi pas de sens. J’ai envie de partager, de dire tout ce que je sais, de respecter le produit, de dire pourquoi je suis amoureuse du café tout en prenant du plaisir durant ce championnat.

Comment se passe tes journées d’entrainement concrètement ?

Déjà, je pensais avoir un niveau plutôt correct, malgré mon peu d'expérience dans le métier. Mais j’ai dû tout repenser dans mes méthodes de travail, car visiblement tout ce que je faisais n’était pas au top (rire) ! Alors on a tout changé techniquement, notamment du côté du moulin où maintenant je n'utilise que l’EK43 de Mahlkonig.


Attends, avant du continuer, tu peux nous parler un peu plus de ce moulin ?

(rire) Oui alors l’EK43 que nous avons, je l’ai appelé Diego ! Et je dois l’avouer, je passe plus de temps avec lui qu’avec mes amis. Je crois qu’en fait ce n’est pas très sain, enfin… c’est pour une noble cause !

Revenons à ton training alors !

Donc j’ai aussi changé la manière de faire mon lait, de tamper,… Pour résumer, je dois faire attention à tous mes gestes, pour faire en sorte que tout soit utile, qu’il n’y ait pas de perte de temps entre chaque mouvement. Car le championnat consiste en 15 minutes à préparer 4 espressos, 4 cappuccinos et 4 boissons signature tout en expliquant le pourquoi du comment… Bref, il n’y a pas de temps à perdre durant ces 15 minutes.
En parallèle, je me dois de lire plus, de goûter plus, de regarder plus,… pour progresser de jour en jour.


Tu as des recommandations à nous donner en terme de lecture ?

Oui, James Hoffman & Peter Guiliano qui m’ont également fait comprendre que je ne connaissais vraiment rien au café en les lisant. Tu perds le côté « ego » et gagnes sur la dimension pédagogique. Je recommande fortement !

Aujourd’hui, tu vis à 100% le championnat, comment ça se passe la vie à côté ?

(rire) En gros, 5 jours par semaine je dors presque chez Ten Belles en m’entraînant chaque soir après le service et le reste du temps je suis à la Brûlerie. Je ne te cache pas que je me demande si c’est mon meilleur choix de planning car je suis plutôt fatiguée mais je progresse !

Aujourd’hui, 15 janvier, nous sommes à 10 jours du Championnat, comment tu te sens ?

On se prépare encore et encore… En vrai, on a déjà changé 3 fois de café pour le championnat. Je pensais que ça allait me stresser, mais au final, j’arrive à relativiser avec le temps. Je n’oublie pas que j’ai commencé tout ceci il y a seulement 5-6 semaines.
Je crois que la musique, et tout ce que j’ai pu vivre autour d'elle (concours, entrainement), m’aident beaucoup dans la gestion de mon stress. J’ai compris qu’il fallait aussi que je me fasse plaisir durant cette expérience.
Avant de commencer l’entrainement, je me réveillais en pleine nuit, un peu en panique et me mettais à regarder des vidéos de championnats pour ensuite me rendormir et me réveiller etc… Je crois que ça ne devait pas être facile pour les collègues le lendemain matin (rire).


Comment ça se passe avec tes collègues durant cette phase de championnat ?

J’ai la chance de les voir m’encourager chaque jour. Ils me permettent de garder une santé mentale décente je pense (rire). Anna m’a fait aussi goûter plein de choses pour m’aider dans ma « boisson signature », car je n’ai pas encore une culture gastronomique énorme ! Sera aussi est devenu une sorte de "big sister that takes care of me and is always there to listen whatever problem I might have"

Travailler dans un coffee shop, c'est ce qui te plait le plus aujourd’hui ?

Oui, c’est ce que j’aime le plus ! Je suis passée d’une période de ma vie à bosser toute seule dans ma chambre pendant 9h à servir et rencontrer énormément de monde tous les jours ! On a de la chance d’avoir des clients très intéressants, passionnés qui viennent tous les jours et où une certaine relation s’instaure. Je les connais, ils me connaissent. Le matin ils me disent bonjour, mais aussi à Diego et Georgia (qui est notre nouvelle La Marzocco Linea PB). Elle s'appelle ainsi car nous mettons presque tous les jours "Georgia on my Mind" de Ray Charles !

Quelles furent tes plus belles rencontres, tes plus belles anecdotes dans le monde du café ?

Question difficile, il y en a tellement ! Tu as les clients qui rentrent juste parce que le lieu semble « cool » mais qui du coup sont ouverts à la discussion. Là, je vais pouvoir leur parler du café avec passion. Tu as aussi les couples, notamment les « vieux couples » pour lesquels boire un café chez Ten Belles devient un rituel du dimanche et qui ont soif de nouveauté !
Il y a aussi une cliente qui, lorsque j’ai commencé, était enceinte de 8 mois. Aujourd’hui, je la vois avec son enfant qui grandit de jour en jour. C’est juste trop chouette !
J’ai aussi raconté à certains clients passionnés de café que je faisais le championnat. Je leur ai demandé d’être honnête avec moi à chaque café que je leur sers. Et je leur dois beaucoup, aujourd’hui, de m’avoir permis de progresser de la sorte.
Mais Thomas et Timothé sont surement mes premières belles rencontres dans le café, sans oublier David !
Ah j’allais oublier cette anecdote! Celle d’un homme qui rentre dans le coffee shop me demandant si nous servons du café. J’acquiesce. Il me demande d’attendre afin d’aller chercher chez son frère, qui habite à côté, sa propre tasse de café pour espresso. 5 min plus tard, il revient avec une tasse en porcelaine illustrée de fleurs roses, me la donne, je fais son espresso et il repart en étant le plus heureux du monde !

Concernant les cafés que tu as pu goûter ou que tu sers, en as-tu des préférés ?

Hmmm… je ne suis pas raciste avec les cafés (rire) ! Je sais juste que j’aime moins les cafés « végétaux » mais plutôt ceux qui sont fruités, avec de la mélasse, du caramel,… C’est difficile, c’est un peu comme si tu me demandais si je préfère Beethoven ou Bach !
Après dans les cafés que je sers, ce que je préfère c’est l’espresso. Tous les matins, lorsque je règle la machine et le moulin, j’espère que le premier shot que je vais goûter sera une vraie claque pour moi. C’est arrivé avec le Tambaya PB. J’ai presque même obligé tous les clients à le goûter ce matin là (rire).
Sinon il y a Neptaly Bautista, qui m’a permis de boire le meilleur cappuccino de toute ma vie !
Le 60/40 actuel aussi est pas mal, c’est chocolat et fruits rouges ! Ça a le goût du printemps pour moi, c’est ce que je dis à mes clients d’ailleurs « Aujourd’hui vous allez goûter un café qui fait printemps » (rire).
Mais je pense que ça tombe bien de ne pas avoir de café préféré en général, ça me permet de garder ma curiosité pour les autres cafés !

Parlons un peu de ce qui t’anime en dehors du café ?

Oui, beaucoup de chose ! Mais ayant un caractère assez obsessionnel, je n’aime pas faire les choses à moitié. J’adore la musique classique, j’adore rester à Ten Belles le soir et mettre Tchaïkovski à un volume peut être trop fort (rire) et m’entrainer dessus ! Bach aussi le matin est super, ça me permet de parler des instruments qui n’existent plus à mes clients. Bach est comme un Dieu pour moi. Le jazz aussi ne l’oublions pas et la lecture ! Puis plus simplement mes amis !
Là en ce moment, je pense que c’est sortir pour la gastronomie et les bons vins ! Marie Céleste & Le Dauphin en "guest" actuellement !

As-tu des rêves en parallèle ?

Voyager plus, ça c’est sûr ! Et surtout visiter des fermes de production de cafés, je pense que c’est aussi dû à mes grands parents qui avaient une ferme où le respect de la terre et des fermiers a toujours été quelque chose d’important pour moi. Aujourd’hui, avec le métier de barista, j’ai souvent les mains sèches et noires à cause du café, et bien que ça m’énerve en soit, je suis très fière d’avoir des mains qui rappellent celles qui travaillent la terre.
Ca me fait penser à Jesus Moreno, où certains jours j’étais énervée de ne pas pouvoir sortir l’espresso que je voulais. Mais tout de suite je me disais que nous sommes très peu à pouvoir travailler sur son café et que Jesus avec tous ses enfants et sa femme travaillent toute l'année pour 8 sacs alors que moi je viens de jeter 10 espressos parce qu’ils ne goûtent pas comme je veux. Bref, ça permet aussi de remettre un peu les pendules à l’heure lorsque l’on prend du recul sur le respect du produit et de toutes les personnes qui travaillent dessus. Aujourd’hui, je travaille pour Thomas à Ten Belles, mais je travaille aussi pour eux, les producteurs. J’ai énormément de respect pour tout ça et ça me fait plus que plaisir de me dire que j’appartiens à quelque chose de plus grand que moi.
Bon je n’ai peut être pas répondu à ta question cependant (rire).

Tu veux terminer sur une dernière note ?

Que si je suis arrivée à faire tout ceci, tout le monde doit être capable de le faire même si ça demande un peu de courage et de force ! Je pense que mon grand père serait fier de moi en lisant ceci !

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Il est bientôt 22h, il fait faim, il est donc temps de se quitter pour se ravitailler. Demain est une nouvelle journée toujours sous le signe du bon café !

On te souhaite un super Championnat Mihaela, en espérant que tu ailles le plus loin possible (Seattle en avril ?).
Se présenter au Championnat de France alors qu'il y a encore peu tu détestais le café, il faut l'admettre, c'est plutôt un beau challenge !

Good Luck !

 

 

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