Si vous êtes déjà venu dans l’une de nos boutiques, vous avez probablement entendu que la majorité des producteurs avec lesquels nous travaillons n’utilisent pas de pesticides dans leurs fermes. Mais jusqu’à maintenant, vous deviez nous croire sur parole. Nous voulons croire que nous sommes des personnes de confiance mais ce n’est pas une solution à long terme. Voilà pourquoi, nous sommes ravis de lancer cette semaine, un label Sans Pesticides pour appuyer nos dires. A la différence d’un label bio, avec ce label nous ne vous demandons pas simplement de nous croire, nous vous donnons accès aux résultats des tests. En scannant le flashcode présent sur le sachet de café, vous accédez directement aux résultats des tests, fournis par le laboratoire indépendant qui les a effectués, afin de tester la présence de plus de 200 pesticides, fongicides et herbicides sur les échantillons de café vert. Ainsi, vous pouvez voir de vos propres yeux, que ces cafés sont sans pesticides.
L’idée de ce projet est née il y a deux ans, autour d’une table dans une station de lavage au Costa Rica, et nous aimons croire que ce n’est que le début. Vous voulez savoir pourquoi nous n’avons pas simplement demandé un label bio ? Pourquoi nous avons voulu commencer avec ces deux cafés ? Comment les tests ont été effectués ?
Pourquoi ne pas avoir demandé de label bio pour ces cafés ?
Pour comprendre pourquoi ces cafés ne sont pas labellisés bio, il est important de comprendre comment le bio fonctionne, du point de vue des producteurs de café. La promesse du label bio pour les consommateurs est assez simple - des produits cultivés d’une manière respectueuse de l’environnement, sans pesticides ou herbicides qui seraient dangereux pour notre santé. Nous achetons bio car c’est plus simple, car nous pouvons y croire. Ce label est un gage de confiance, il comble le vide qui existe entre nous et les personnes qui plantent et cultivent le produit. Je dis cela en tant que consommateur, qui achète et consomme bio, ou au moins local, directement aux producteurs. La réalité de l’agriculture biologique est bien différente du point de vue du producteur, et pour le comprendre, il faut commencer par distinguer deux aspects du bio: l’agriculture et la bureaucratie.
Agriculture biologique
L’aspect biologique de l’agriculture est, je pense, la raison pour laquelle la plupart d’entre nous achète des produits biologiques. Les producteurs labellisés n’utilisent ni pesticides, herbicides, fongicides ou fertilisants. Ils traitent leurs terres « de manière biologique », en utilisant les déchets végétaux ou animaux pour fertilisants et travaillent de manière intensive pour éviter les nuisibles.
Dans l’industrie du café, cela est devenu de plus en plus difficile ces 10 dernières années: suite à un changement climatique, certaines régions qui étaient jusque là épargnées ont été infectées par un champignon qui s’attaque aux feuilles de l’arbre à café, maladie appelée CLR (Coffee Leaf Rust). Cette maladie peut être évitée en maintenant l’arbre en bonne santé afin qu’il puisse s’en défendre tout seul, travail bien plus difficile sans l’utilisation de fertilisants chimiques.L’invasion de ces nuisibles, associée à un prix global bas du café vert, rend l’agriculture biologique dans le café de plus en plus ressemblante à l’agriculture « de l’abandon ». Pour beaucoup de producteurs, la seule manière de cultiver le café de manière organique et profitable pour eux, est de le planter, l’abandonner et récolter ce qui a survécu. Ce n’est pas une solution à long terme pour les producteurs, ni économiquement ni agriculturellement parlant. Cela pourrait changer, si le prix du bio dans le café venait à évoluer mais le marché actuel (nous, les consommateurs) ne semble pas accorder assez de valeur aux certifications biologiques, du moins pas à hauteur de l’investissement, et pas assez pour que les producteurs puissent en vivre.
L’agriculture biologique n’est pas si complexe, et pour beaucoup de nos producteurs, pas particulièrement difficile. Les producteurs sont aux plus proches de la terre. Si nous nous sentons concernés par l’interdiction des pesticides pour des raisons morales, intellectuelles et de santé, eux sont les premiers touchés par l’utilisation lourde de ces produits. Les ingérer dans les produits que nous consommons peut être évidemment problématique pour notre santé, mais les utiliser au quotidien est bien plus dangereux pour eux. Les producteurs, leurs enfants, leurs voisins sont ceux qui sont le plus touchés par leurs aspects négatifs. Alors que certains des producteurs ignorent les risques pour leur santé, ceux qui le savent sont les plus désireux d’utiliser des alternatives. La plupart de nos producteurs utilisent cette agriculture raisonnée - mais la bureaucratie est là ou tout devient compliqué.
Bureaucratie biologique
Je ne pense pas que beaucoup d’entre nous se sont déjà demandés comment se passe l’obtention d’un label biologique - moi-même je ne m’y suis intéressé qu’il y a quelques années, après presque dix ans dans l’industrie du café. Nous partons tous du principe que c’est fait correctement. La réalité est que la certification biologique fonctionne comme un système basé sur la confiance associé à un audit financier et à quelques contrôles occasionnels. Concrètement, il certifie seulement que le producteur n’a acheté aucun des produits interdits. « Acheté » est effectivement le bon mot. La majeure partie de cette certification tient dans l’audit financier: le producteur doit fournir tous ses reçus à l’administration, qui va vérifier qu’aucun produit banni n’a été acheté. Cet audit financier est confirmé par une visite d’un membre de l’organisme accréditeur, qui vérifie qu’aucun des produits biologiques n’est contaminé par des produits non-biologiques (l’agriculteur biologique doit s’assurer que les deux infrastructures sont parfaitement séparées, biologique et non-biologique), et qu’aucun bidon vide illégal n’est retrouvé dans les alentours de la ferme. Ces services coutent environ 1000 dollars par an au producteur, et peut facilement doubler ou tripler s’il vend à différents marchés internationaux.
Nous accordons notre croyance à l’appellation « biologique » pour son omniprésence, et non parce que nous savons comment cela marche ou ce que cela implique concrètement sur les conditions de production de ce produit que nous achetons.
Nous ne connaissons que notre label bio national, mais les Etats-Unis, l’Europe ou le Japon, ont également leurs propres labels, et avec eux, leurs procédures de certification. Un producteur qui est présent sur plusieurs de ces marchés, doit payer chaque organisme accréditeur et procéder aux trois audits financiers. Ce fardeau bureaucratique est très onéreux et comme vous le constatez, dénué de tests concrets.
Les tests
La plupart d’entre nous, pensent, à tort, que la condition principale d’obtention du label sont les tests du produit. Cela ne l’est pas. Un des retours que j’ai pu avoir de plusieurs producteurs (producteurs de café ou producteurs français de légumes), et une de leur frustration également, est à quel point il est facile de simuler l’agriculture biologique et d’obtenir le label. Ricardo Perez, au Costa Rica, un des producteurs les plus engagés dans l’agriculture biologique et durable que je connaisse, m’a confirmé cela un jour alors que nous marchions dans sa ferme. Il était frustré par l’absurdité des procédures administratives, pas seulement biologiques mais même durables (l’agriculture de Ricardo ressemble à de la permaculture): s’infliger le fardeau de trois audits financiers indépendants, les documents administratifs en 4 exemplaires (il a aussi besoin de garder ses livres de compte) tout en sachant à quel point ce serait simple de cultiver de manière conventionnelle et garder son label bio en trichant. Après tout, ce n’est pas difficile d’acheter des bouteilles de pesticides en cash et d’en cacher les preuves. L’année précédent cette discussion, point départ de notre projet, Ricardo avait abandonné ses certifications, tout en publiant simultanément un manifeste pour expliquer et combler ce vide de confiance dont nous parlions. Bien qu’admirable, il est difficile pour un simple manifeste en espagnol de prendre de l’ampleur et de toucher plus qu’un cercle limité de personnes. Initiative peu commune, Ricardo était le seul des producteurs avec lesquels nous travaillions à avoir sa propre certification. C’est l’un des plus gros challenges du point de vue des producteurs, ces initiatives ont besoin de l’aide des labels biologiques afin de combler ce vide de confiance. Nous accordons notre croyance à l’appellation « biologique » pour son omniprésence, et non parce que nous savons comment cela marche ou ce que cela implique concrètement sur les conditions de production de ce produit que nous achetons.
Ce soir-là, chez Ricardo, je lui ai demandé ce qu’il voulait communiquer aux personnes qui allaient boire son café. Il m’a répondu qu’il voulait qu’il sachent que « ses cafés ne les rendront jamais malade, qu’ils sont cultivés avec soin et sans aucun produit chimique ». Il le sait, non seulement car il passe ses journées dans la ferme mais aussi car il a fait tester ses cafés et sa terre, afin de confirmer noir sur blanc l’absence de tous ces produits qui l’inquiètent. J’ai demandé à Ricardo s’il voulait bien partager ces tests, ce qu’il voulait, mais comme parfois cela arrive je ne les ai malheureusement jamais reçus.
Peu importe, l’idée était née.
L’année suivante, j’ai parlé de cela avec plusieurs producteurs, exportateurs et importateurs avec lesquels nous travaillons. En 2019, alors que nous marchions dans la colline à Santa Barbara au Honduras, Benjamin Paz, notre ami de longue date, exportateur et producteur de café, a décidé de nous aider à faire de cette idée une réalité.
Effectuer ces tests tout seul est de plus en plus courant dans les pays producteurs de café. Les producteurs testent les arbres et les sols pour beaucoup de raisons, souvent pour avoir une idée de quels nutriments manquent, c’est une aide pour cultiver de manière intelligente et plus économique. Véritable outil pour partager l’information entre le producteur et nous, consommateurs, je pense que les tests ont une vraie utilité. Les résultats des tests sont plutôt faciles à comprendre et sont abordables. Nous avons payé 573$ par échantillon pour l’ensemble des tests, soit bien moins que le coût des labels et sans les migraines bureaucratiques. Leur vrai pouvoir est à quel point on peut les partager facilement. Avec votre smartphone, vous pouvez scanner le code présent sur les sachets de café et voir les résultats de vos propres yeux.
Les tests ont été réalisés par AGQ Labs aux Etats-Unis, un laboratoire de test certifié à l’international. AGQ a utilisé la chromatographie liquide pour tester les traces résiduelles de plus de 200 différents insecticides, herbicides, fongicides, miticides, arachnocides, nématocides, bactéricides, incluant le fameux Glyphosate (communément connu sous le nom de RoundUp) dans un échantillon de café vert. Les tests sont capables de repérer les éventuelles traces de produits, au-delà de 0,01 mg/kg.
L’année dernière, nous avons sélectionné deux fermes à tester, deux producteurs de café avec lesquels nous sommes très proches depuis les débuts de Belleville: Neptaly Bautista & Benjamin Paz. Nous connaissions déjà leur façon de travailler à la ferme et avions parfaitement confiance en leurs pratiques durables et respectueuses, ce qui a rendu le lancement du projet plus facile. Nous savons déjà qu’aucun des deux n’utilise de pesticides, fungicides, ou herbicides. Neptaly, tout comme Benjamin, étaient ravis de nous laisser tester leurs cafés et Benjamin a fait en sorte d’envoyer les échantillons aux Etats-Unis pour les tests, via San Vicente, son entreprise familiale d’exportation. Les résultats sont tombés: les deux cafés testés se sont révélés négatifs à toutes traces résiduelles de tout type de pesticides communs en agriculture. Les cafés de Benjamin et de Neptaly seront nos premiers cafés labellisés « Zéro Résidu de Pesticides ».
Nous prévoyons d’aller plus loin dans cette idée, et pour commencer, nous aimerions tester les terres en plus des cafés verts. Nous valorisons les pratiques durables et voulons encourager tous les producteurs qui veulent aller plus loin dans ce domaine. Faire ces tests et partager les résultats comme nous le faisons ici est un moyen de les soutenir. Les pratiques d’agriculture durable sont importantes mais l’obtention d’un label bio est peu représentative lorsqu’il s’agit de café. La complexité bureaucratique pour l’obtention de ces certificats, basée sur un processus construit pour être appliqué à tout type de produit, du coton au bois de cheminée, nous montre le besoin de créer des processus adaptés au produit concerné.
A l’âge des smartphones, les tests et la transparence offrent une alternative et permettent de mettre en lumière des pratiques possibles d’agriculture durable. Nous espérons que vous aimerez ces deux cafés « Zéro Résidu de Pesticides » et que nous pourrons vous en faire découvrir d’avantage dans l’année à venir.